La roue tourne.
C’est vrai qu’à l’époque, il envoyait du lourd. Oui, au lycée, c’était lui le plus stylé, le beau gosse, le chouchou des raclis, le mec à qui il fallait ressembler. Il se serrait les plus bonnes, avait les meilleures sapes, écoutait les derniers sons, fumait et buvait avant tout le monde, c’était le rebelle. Si on avait été dans une high-school américaine, il aurait été le mec le plus populaire, capitaine de l’équipe de foot ou président de la confrérie alpha-gamma, pour sûr. Au choix, le gars faisait du basket, jouait dans un groupe, était DJ, rappeur ou skateur, en tout cas il était au top. Il contrôlait le game. Alors on l’aimait ou le jalousait, selon qu’on ait ses faveurs ou pas. Mais auprès des autres élèves, ados mal dégrossis en quête de modèles, il était une petite légende locale à l’échelle du bahut, tout le monde connaissait son nom et traîner avec lui était un gage solide de coolitude.
Souvent, c’était un cancre à grande gueule, qui s’en sortait toujours parce qu’il était malin et que le niveau requis pour passer les classes n’était pas bien élevé. Il avait toujours une bande de suceurs autour de lui et à l’occasion, n’hésitait pas à maltraiter les élèves les plus introvertis.
Au fil du temps, chacun a finalement tracé sa route avec plus ou moins de succès, mais en avançant dans la vie. Lui, il est resté bloqué. Son âge d’or atteint très (trop) tôt, entre 16 et 23 ans, il n’a pas ressenti ni compris le besoin d’évoluer. Son problème: il a atteint sa plénitude trop tôt, et n’a pas connu la souffrance et la recherche de soi, inhérente et nécessaire à tout adolescent normal. Alors il s’est leurré, il a cru que ça marcherait toujours comme ça, la vie servie sur un plateau. Et pendant que les autres charbonnaient, lui il a continué à sortir, à baiser, à faire le con, à se croire au dessus des autres. Funeste erreur. Car si tu ne penses pas à long terme, la vie va te tabasser, c’est inévitable.
Et les années ont encore passé, et ça s’est encore gâté. Son charisme a fondu comme neige au soleil. Ses pitreries ont amusé de moins en moins de monde, il a commencé à être isolé. Il n’a pas compris que passé un certain âge, vers les 30 ans, le cool ne paie plus. Tout le monde s’en branle que tu t’habilles bien ou que tu connaisses les derniers sons du moment. Les critères de réussite ne sont plus les mêmes: en gros, à l’âge adulte, c’est la thune et ce que tu fais de ta vie.
Et du coup, certains ont rattrapé leur retard. Et pour certains de façon spectaculaire : le geek un peu moche mal dans sa peau de seconde B fait aujourd’hui 200k par an, est marié à une bombe, et se régale. Pendant que l’autre abruti a pris vingt kilos, est chauve et ressemble à un ado attardé aigri. Souvent, il a gardé plus ou moins le même style vestimentaire que quand il était cool. Et aussi un peu la même attitude narquoise, devenue très hors-propos avec l’âge. Il est un genre de caricature de lui-même qui fait peine à voir. Bloqué, le gars, on vous dit. Job pourri ou au chômage, pas de femme, pas de gosses, englué dans des problèmes d’alcool ou de drogue à 35 piges, bref la vie de merde quoi.
Avec les années viennent inévitablement, quand on stagne pendant que les autres avancent, l’aigreur et la frustration. Et chez lui, c’est décuplé par le fait qu’il a été « quelqu’un », fut une époque, définitivement révolue.
Alors, on ne va pas se mentir, c’est souvent assez jouissif, de le recroiser quinze ans plus tard dans une soirée et de constater que ce mec qui se la racontait grave est devenu une épave. Cet ado frimeur n’est plus qu’un trentenaire bedonnant et cerné, voire même carrément pathétique. Ca vous confirme que la roue tourne, et que finalement, vous n’êtes pas si mal loti.
Oui, ça fait du bien. Sauf si ce gars, c’est vous.
Allez, bonne chance.
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